« L'autisme est une culture différente »*
C'est la voie que ce nouveau numéro de Courtil en ligneS nous invite à prendre. Plutôt que de vouloir à tout prix éduquer l'autisme, il s'agit de rencontrer des sujets autistes. C'est ce fil rouge que suit Héloïse Meire, metteuse en scène de Is there Life on Mars ? en se saisissant de la particularité de chacun de ses personnages pour emmener le spectateur dans un univers déconcertant.
À une méthode éducative valable pour tous, Lacan, dans sa « Conférence à Genève sur le symptôme1 », répond : « Il y a sûrement quelque chose à leur dire » pour peu que l'on prenne le temps de repérer les conditions préliminaires à une rencontre possible. En partant du témoignage de Ron Suskind à propos du parcours de son fils, Owen, Myriam Perrin-Chérel développe l'importance « d'orienter son intervention auprès de l’enfant autiste à partir de sa particularité, son affinité ». Mais pour qu'il y ait consentement du sujet au traitement, il s'agit de ne pas faire fi de la dimension du transfert, principal levier d'ouverture à la voie de l'invention.
Illustrant à merveille cette ouverture, vous trouverez les interventions de la dernière Journée organisée à l’initiative des Ateliers du 94, et qui a rassemblé les travailleurs des institutions de la Région Wallonne de Belgique accueillant des autistes (enfants ou adultes) et s’orientant de la clinique psychanalytique pour penser leurs interventions et leur position éthique. Ce fut une « Journée d’échanges cliniques sur l’autisme » sans experts de l’autisme qui parlent au travers de statistiques et de preuves scientifiques qui jamais n'abordent ces sujets dans toute leur complexité humaine.
Ici huit brefs récits de cas ont donné place à une large discussion avec la salle (mise à disposition par l’Agence pour une Vie de Qualité2) qui était presque entièrement remplie de travailleurs d’autres institutions venus se ressourcer dans ce partage d’expériences où l’inventivité des intervenants est requise au quotidien. L’effort de rendre compte de l’effet de percussion de la langue sur les corps fut l’un des fils de cette journée, chacun tentant de transmettre l’extraordinaire singularité de chaque sujet au-delà de leurs particularités autistiques. Il restera toujours qu’un autiste n’est pas l’autre et que ce qui a fonctionné pour l’un, échouera avec l’autre, que le transfert, c’est-à-dire la relation de la présence des corps, nouée au fil du temps est essentielle à l’impact, ou pas, d’un mot, d’un geste. Vivant est le premier adjectif qui me vient à l’esprit pour qualifier cet événement. Et à refaire absolument, résolument, passionnément.
Au moment où va se tenir la première journée du Centre d'Etudes et de Recherche sur l'Autisme (CERA) sous la direction de Christiane Alberti et sous l'égide de l'Ecole de la Cause freudienne3, ce numéro de Courtil en LigneS est une contribution importante à ce que l'autisme soit abordé comme une culture différente !
*J. Schovanec
1 Lacan J., « Conférence à Genève sur le symptôme », Le Bloc-notes de la psychanalyse, 1985, n°5, pp. 5-23.
2 L'AViQ est un organisme d'intérêt public (OIP) autonome gérant les compétences de la santé, du bien-être, de l'accompagnement des personnes âgées, du handicap et des allocations familiales au niveau de la Région wallonne.
3 « Autisme et parentalité », Journée d'étude du CERA, 10 mars 2018, maison de la Chimie, Paris
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