« Ateliers et autres lieux »
« Atelier est le terme que nous utilisons au Courtil pour désigner d’une manière générale les périodes pendant lesquelles les enfants participent à différentes activités précises et régulières dont la fonction est moins de les occuper que de les préoccuper »1. Lors d’un échange, en vue de la rédaction de cet argument, Domique Holvoet nous précisait qu’à l’époque de la rédaction de cet article (1989), il s’agissait de sortir le travail de sa dimension purement occupationnelle qui se réduisait souvent à ce que les enfants restent « sages », version débilisante de l’occupation. Aujourd’hui, nous dit-il, on nuancerait la condamnation unilatérale de l’occupationnel. Il y a toute une dimension occupationnelle dans le travail mais qui a une visée précise : réduire la charge de signification des signes du quotidien. Dominique Holvoet précise encore que « la préoccupation » qu’il cherchait à introduire visait à tenter de mobiliser l’enfant, le jeune sur son objet et à pouvoir en produire quelque chose. Sortir de la réitération infernale pour ouvrir à une métonymie de l’objet.
Au Courtil, ce qui nous oriente est ce qu’un sujet produit comme bricolages singuliers. « Il ne faut pas jauger le fou en termes de déficit et de dissociations des fonctions »2, nous dit Lacan. Au Courtil, c’est le sujet inventif et non déficitaire que nous rencontrons. C’est là le style propre du Courtil.
Et le sujet ne nous attend pas pour se mettre au travail, c’est à un travail sans répit qu'il s’attelle pour traiter la jouissance déréglée qui, selon les sujets ou leurs parcours, fait effraction dans le monde, dans le corps ou dans l’Autre… Faire place à cette élaboration continue, en se présentant comme lieu où les savoirs établis sont mis en suspens, voilà peut-être en quoi le Courtil constitue pour beaucoup de ses résidents un premier Autre lieu, les institutions classiques (famille, école…) se révélant impuissantes à les protéger de cette jouissance écrasante et mortifère. Le Courtil, donc, comme Autre lieu, tamponne, cerne la jouissance déchaînée, tout en donnant asile au sujet.
Si le sujet psychotique est toujours et partout au travail, que fabrique-t-il de si singulier dans ce temps et cet espace précis de l’atelier ? Qu’y trouve-t-il ? Comment s’en sert-il ? L’Atelier comme Autre lieu ? Ateliers et autres lieux ?
1 Dominique Holvoet, « D’une tentative de localisation de la jouissance avec un enfant autiste », Feuillets du Courtil, n°1, mai 1989.
2 Jacques Lacan, « Présentation des Mémoires du Président Schreber », Ornicar ?, 38, Automne 1986, p.6.