Numéro 9 / janvier 2013

Travailler avec les bouchons d’Arthur

Quand je recevais Arthur, les premiers temps, j’avais affaire avec un jeune enfant autiste dans sa carapace : Arthur, qui n’a jamais babillé, ne parlait pas et passait tout son temps à ramasser par terre et dans le coin d’une pièce toutes sortes d’objets qu’il mettait à la bouche après les avoir reniflés. Le moindre changement dans l’ordre du monde le mettait en crise. L’infini et le juste à côté se confondaient comme mon œil, dans lequel Arthur essayait d’introduire un doigt, et une fenêtre sur l’infini d’un paysage qu’il pointait du doigt.

Au début du travail, je constatais qu’Arthur jouait avec les limites matérialisées par un mur, une ligne de partage entre différents carrelages, une main courante d’escalier. Il en jouait en les sonorisant ou en y déposant un baiser, disons sa bouche sur la limite matérielle. Ainsi, il longeait un mur en y faisant glisser la fermeture Éclair de son anorak (ce qui produisait un bruit métallique) ou il sautillait d’un côté puis de l’autre d’un carrelage en claquant très fort des pieds. Croisait-il une fenêtre qu’il en martelait la vitre avec ses doigts, ou encore il jouait à l’équilibriste sur les radiateurs. Les déplacements étaient difficiles, et le passage d’un lieu à un autre ne pouvait se faire qu’en appréhendant la limite par un bout de corps (coup de pied) ou par la sonorisation de ce bord.

Quand Arthur était en crise, lui proposer de venir dans les bras l’apaisait, de même qu’un fauteuil sur sa route - en réalité tous les fauteuils qu’il croisait sur son chemin. Arthur venait souvent se loger dans mes bras, et j’avais parfois le sentiment d’être, comme disent les anglais, un armchair, un fauteuil à bras, un fauteuil de plus dans l’espace infini et non réglé.

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