Numéro 3 / avril 2012

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Kader est admis à la Maison des Étudiants. Il nous dit qu’il est là « pour son père » mais qu’il ne pourra pas rester : il ne peut s’empêcher de « faire des bêtises ». Il sait donc qu’il est attaché à son père et que quelque chose se répète dans sa vie : faire des bêtises, être exclu.

Vient le jour où nous allons procéder à son renvoi.

Kader ne peut s’animer sans un autre. Et cet autre est en trop : montée des tensions. Une fin d’après-midi, la situation chavire. Aucune coupure n’opère. Kader fonce dans les portes, projette son corps et tout ce qui lui passe par la tête sur tout ce qui bouge, en criant « Je veux rentrer chez mon père, je ne reste pas ici ». Il sort et jette des cailloux sur une voiture qui passe. Il rentre. Nous sortons. Dialogue avec la propriétaire du véhicule. Kader ressort. Je reste à côté du véhicule, sans adresser la parole à sa propriétaire. Il s’approche de la voiture, inspecte la griffe et m’interpelle : « Je n’ai rien fait, ce n’est pas moi, est-ce qu’on va appeler la police ? On va me punir » ; il s’enfuit dans le jardin de la Maison des Étudiants. Je l’y trouve seul, la tête basse, arrêté.

J’ai pu lui dire alors qu’il allait rentrer chez son père un certain temps et qu’il n’était pas certain qu’il reviendrait à la Maison des Étudiants. Il faudrait d’abord en reparler avec nous, le directeur, lui, son médecin psychiatre et son père. Il s’est alors mis à pleurer, a dit qu’il voulait rester à la Maison des Étudiants.

On est montés dans sa chambre. Il a voulu laisser ses vêtements dans l’armoire, j’ai accepté. Mais pas pour son sac ; il a dû le prendre, même vide.

Arrimé au sac vide, il est resté pleurant calmement jusqu’à l’arrivée du taxi. « Vous ne pouvez pas comprendre ce qui m’arrive » : le nouveau message de son désespoir personnel a pris la place d’un mode irruptif de jouissance dont aujourd’hui à l’occasion il peut essayer de commencer parfois à nous en écrire quelque chose.


 

 

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