Se faire son « petit style de vie »

Albert rencontre une psychanalyste lorsqu’il a deux ans. Elle trouve un enfant qui reste posé au sol et ne manifeste aucune réaction à ce qui l’entoure. La mère raconte qu’elle peut déménager tous les meubles de la maison sans qu’il ne la dérange. C’est elle qui va de temps en temps le chercher dans son lit pour le nourrir. Albert « parle », c’est-à-dire qu’il baragouine, mais seul, il ne dit pas de mots constitués, il ne s’adresse pas à l’Autre, il évite l’Autre et pousse des cris. Cette psychanalyste, après un an et demi de travail, oriente Albert vers le Courtil, où il arrive à trois ans et demi. Elle continue à le recevoir pendant plusieurs années encore.

Aujourd’hui, Albert a vingt ans et il est toujours au Courtil. Il est au travail de préparer sa vie d’adulte et donc sa sortie de l’institution. J’ai voulu retracer ce long parcours, pendant lequel, bien sûr, Albert a plusieurs fois changé de groupe au sein du Courtil, ce qui fait que j’ai dû me servir des notes de réunions des collègues pour reconstituer cette trame. Le livre de Jean-Claude Maleval, L’autiste et sa voix¹, a été ma boussole pendant que je faisais ce travail. Il le traverse de façon parfois explicite, mais toujours en toile de fond.