Numéro 2 / mars 2012

De la folie d'amour à l'amour dans la folie

Ce titre joue sur l’équivoque que Lacan entretient lorsqu’il énonce : « Tout le monde est fou, c’est-à-dire délirant »1, et qu’il affirme par ailleurs : « N’est pas fou qui veut »2.

Il faut préciser que le mot « fou » n’a pas la même valeur dans les deux énoncés. Dans le premier, il vise la folie commune, dans le second cette forme particulière de folie qu’est la psychose. L’ambiguïté est là pour nous faire entendre que cette distinction n’est pas aussi radicale que l’on pourrait croire. C’est ce que l’on trouvait déjà sous la plume de Pascal : « Les hommes sont si nécessairement fous, que ce serait être fou par un autre tour de folie, de n’être pas fou. »3

« Tout le monde est fou »

Les mots « folie » ou « délire » sont des termes très généraux, qui s’appliquent nécessairement à chacun, pour autant que nous sommes tous affectés par le langage. C’est pourquoi Lacan crée le néologisme de « parlêtre » pour l’être humain en proie au langage.

Le système symbolique est constitué par les signifiants. Or, le signifiant à la différence du signe, ne représente pas le réel comme référent, il l’évoque en le négativant : « Le mot est le meurtre de la chose ». Cette constatation du tout premier Lacan est cohérente avec ce qu’il désignera dans son dernier enseignement comme la « forclusion généralisée ». C’est la forclusion du réel.

Dans cette conception, tout discours est un véritable délire, une tentative de suppléance à ce défaut de structure. Toutefois, si le signifiant irréalise le réel, en revanche il permet de réaliser l’irréel, c’est sa fonction créatrice. J’évoque ici ce qui n’a d’existence que de dit (exemple: la licorne).

« N’est pas fou qui veut »

Il faut entendre ici, « n’est pas psychotique qui veut ». Nous ne sommes plus dans l’ordre du nécessaire, mais du contingent, du particulier structural. Cette particularité génère elle-même une grande diversité de solutions singulières. C’est le passage de la psychose aux psychoses.

L’amour, lui, n’est pas un discours. « Il n’y a pas de discours amoureux »4 nous dit Barthes.

L’amour est un sentiment voire une passion, il s’éprouve, mais ne peut se dire que métaphoriquement : « L’amour est un caillou brillant dans le soleil »5 selon la métaphore forgée par Lacan.

Il s'éclaire aussi dans cet éclair qui surgit au changement de discours et pour lequel Lacan s’appuie dans le Séminaire XX sur Rimbaud.

 

 


1LACAN Jacques, « Pour Vincennes », Ornicar ?, n°17-18, p. 278.

2LACAN J., « Discours aux psychiatres », (inédit).

3LACAN J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, Paris, Le Seuil, 1966, p. 283.

4BARTHES Roland, Le discours amoureux, Paris, Le Seuil, 2007, p. 297.

5LACAN J., « L'instance de la lettre dans l'inconscient ou la raison depuis Freud », Écrits, op. cit., p. 508.

 

 

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