19 / DEVELOPPEMENT DE LA PSYCHANALYSE EN INSTITUTION / février 2016

Développement de la psychanalyse en institution

La psychanalyse a franchi le seuil de l’institution, flanquée du terme « appliquée » qui indexait celui de « thérapeutique ». La psychanalyse dite « appliquée à la thérapeutique » venait ainsi se différencier de la psychanalyse « pure », celle-ci visant à un au-delà du soin qui concerne la vérité et les choix propres du sujet.

Il est vrai que la pratique en institution ne suit pas toujours les caractéristiques que tout un chacun attribue au colloque singulier avec le psychanalyste : il est en effet rare de n’être que deux et les conditions du transfert ne sont pas données d'emblée mais nécessitent stratégie et anticipation. A ces distinctions liées au dispositif, d’autres sont venues s’ajouter : en institution, la pratique viserait l’allègement du symptôme alors que la psychanalyse pure chercherait à toucher l’assise fantasmatique à l’origine de ce qui fait souffrir le sujet, c'est-à-dire son rapport au réel. 

Bref, la rupture était consommée. Et des concepts pour marquer cette distinction se sont affirmés – « la pratique à plusieurs » – ou des pratiques différentes, à l'endroit du paiement par exemple, ont été observées.

Néanmoins, à l’instar du Nom du père, l’essentialisation de la psychanalyse dans sa forme pure se trouve remise en question au fil de l’élucidation du dernier enseignement de Lacan. « Dans la psychanalyse hors-sens, écrit Jacques-Alain Miller, la différence de psychanalyse pure et psychanalyse appliquée à la thérapeutique est une différence inessentielle.1 » La distinction entre le symptôme et le fantasme sur laquelle se fonde la précédente opposition tend à se résorber avec la promotion du terme de sinthome.

Dès lors, le cadre général qui sous-tend notre action doit être repensé : le signifiant n'est plus conçu comme ce qui vient mortifier la jouissance mais au contraire comme ce qui la cause. Ce virage à 180° degrés conduit à repenser la pratique : il ne s'agit plus de privilégier la parole, d'en saturer la vie quotidienne mais de repérer dans les différents registres ce qui peut permettre au sujet de border ce qui l'envahit. Plutôt qu'au signifiant, une attention particulière est accordée à ce qui peut introduire une coupure. Qu'elle se soutienne d'un objet ou d'une écriture, elle tient au corps parlant.

Les écrits et conversations qui ont eu lieu lors de la dernière journée du Courtil, en septembre 2015, dessinent quelques pistes de travail, pour soutenir, à nouveau frais, avec les apports du dernier enseignement de Lacan, l'usage de sa première approche du signifiant attenante à la fonction même de l'institution, dont la fonction privilégiée est de réfréner la jouissance. Ce qui ne se réduit pas à une simple mortification mais ouvre possiblement au bon usage des semblants, à l'introduction de la « présence » d'analysants civilisés, voire à l'émergence incalculable de l'acte analytique.

Pour ce premier numéro de l'année 2016, Courtil en ligneS a également la chance d'accueillir la contribution de Laurent Ottavi au cycle de conférence du Courtil. Il y est venu retracer, de manière très serrée, les vissisitudes des catégories dans la saisie des phénomènes cliniques qui ont trait à la lecture de ce célèbre cas princeps de Freud qu'est « L'homme aux loups ». Là encore, il est question de l'évolution des concepts dans leur lien à la clinique, mais pas seulement, puisque vous pourrez aussi y lire un apport éclairant à l'actualité, ou comment clinique et politique sont profondément imbriqués.

 


1 Miller J.-A., « Psychanalyse pure, psychanalyse appliquée et psychothérapie », La Cause freudienne, n°48, mai 2001, p. 19.