Le verlan de l'inclusion

La société inclusive représente un effort soutenu, cohérent et convergent pour lequel nous sommes au début d’un long et nécessaire chemin. Il était temps ! 

Pendant ce temps, il y a nous, qui existons. Je vais parler ici, avec nos mots à nous, avec notre langue à nous, du versant du chemin que nous parcourons. J’ai choisi trois moments de notre parcours : la découverte de la divergence, la manifestation d’un désir social, la construction – modeste - d’une communauté inclusive. Faut-il encore préciser qu’en ce domaine la modestie vaut mille déclarations grandiloquentes.

Des jumeaux très distingués

Georges et Louis sont nés jumeaux. Et il s’est passé que leurs trajectoires se sont rapidement écartées. À l’âge où il regarde le Manège enchanté, Georges me dit un matin : « Louis a rêvé qu’il mangeait des carottes et il s’est endormi d’un coup comme le lapin Flappy ! » Je demande un peu surprise : « C’est ton rêve ou le rêve de Louis ? » Il me répond logiquement : « C’est le rêve de Louis puisque c’est Louis qui l’a rêvé. » Georges inclut Louis dans ses conversations avec les peluches, mais peu à peu l’aplomb de la logique trébuche sur une incertitude angoissante... « pourquoi Louis ne parle pas ? » Louis semble jouir d’un état de satisfaction inaccessible à Georges. Alors Georges observe les rituels de toilette qui lui donnent satisfaction et il réclame parfois les mêmes. Il joue aussi à faire le fantôme sous un drap, comme Louis. Il dit, en observant les préparatifs de balade : « Louis sera content » mais... (pensif) « pourquoi Louis ne parle pas ? ». 

Au bout d’un moment, (à l’entrée en maternelle), la divergence est là. Elle a fini par s’imposer. Elle s’affirme en forme de distinction entre l’un et l’autre frère. J’ai choisi d’assumer cette distinction ; pour Louis, au regard de l’assimilation forcée qui nous était recommandée pour le ramener dans la normalité ; pour Georges, afin qu’il puisse être libéré d’une énigme trop pesante. Je les ai nommés mes jumeaux très distingués.