26/ INTERPRÈTES DE L'INCLUSION / décembre 2021

Pourquoi la construction d’un délire dans la psychose?

 Dans notre clinique, même lorsqu’elle se situe au cœur de la psychose, il est finalement assez rare d’avoir affaire à des phénomènes délirants aigus. Mais lorsque cela arrive, et j’ai pu en être témoin auprès de trois patients, il est impressionnant d’assister à la montée de la logique délirante chez le sujet qui prend le pas de manière ravageante sur son quotidien dans lequel il s’était pourtant jusqu’à présent inscrit avec une certaine stabilité, certes à sa manière, mais qui donnait le change. Cette montée du délire a pu apparaître progressivement pour certains ou encore de manière bien plus fulgurante pour d’autres, mais pour chacun elle trouvait son essence dans le surgissement d’un événement faisant brutalement effraction, confrontant le sujet à un gouffre et laissant place à une profonde détresse et une angoisse terrifiante. C’est alors, face à cet innommable, cet impensable, que se construit peu à peu, par le délire, ce qui tente de restituer une logique.

        Dans le chapitre 6 du Séminaire III, Lacan vient précisément décortiquer ce qui se produit dans ce temps d’élaboration du phénomène élémentaire chez le sujet psychotique en le différenciant des recours possibles mobilisables dans la névrose.

Une boussole pour s’orienter : la notion de certitude.

 

        C’est par ce bout que Lacan tente d’attraper une notion fondamentale pour nous orienter dans la clinique de la névrose et de la psychose, car nous dira-t-il : « ce qui caractérise un sujet normal, c’est précisément de ne jamais prendre tout à fait au sérieux un certain nombre de réalités dont il reconnait qu’elles existent »[1], surtout si elles sont trop menaçantes, et se maintient dans une « heureuse incertitude ». 

Pour le psychotique en revanche, le doute n’est pas coutume, les choses sont même très sérieuses et ce qui arrive au sujet en vient à prendre une signification personnelle. Il sait !  Loin de l’heureuse incertitude, il se situerait plutôt sur le versant de l’inquiétante certitude. 

Ce savoir est dès lors exposé à ciel ouvert, il nous en abreuve. Mais qu’il soit si manifeste en surface, articulé, n’implique pas qu’il soit connu par lui. Le sujet psychotique semble même ignorer la langue qu’il parle et que parfois il invente. D’où la mise en garde de Lacan : méfiez-vous de la compréhension ! C’est au psychanalyste de se laisser enseigner, de se faire secrétaire de l’aliéné. Comprendre viendrait alors le placer comme celui qui sait, position bien moins confortable dans la psychose.

Lacan reprendra cette différenciation - certitude/incertitude - en prenant pour exemple le phénomène de la jalousie : alors que le sujet dit « normal » n’a de cesse de chercher des preuves repoussant inlassablement les limites de ce qui viendrait faire point de certitude de la tromperie jusqu’à en devenir risible, le délirant se passera de toute référence réelle. 


[1] LACAN Jacques, Le séminaire livre III, Les psychoses, Seuil, Paris, 1981, p.86

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