L'affinité numérique et le partenaire machine

À l’occasion du projet universitaire Affinity ^[1], nous nous rendons au Courtil afin de rencontrer de jeunes autistes autour de leurs intérêts spécifiques. Nous sommes frappés d’une chose : de nombreux autistes font état d’un goût privilégié pour les objets numériques. Ainsi, tel sujet regarde en boucle le dessin animé Scooby-Doo dont il chantonne la bande-son par la suite ; tel autre reprend les codes vestimentaires et les attitudes du personnage Dora l’exploratrice ; tel autre enfin collectionne les images de Monstres et Compagnie dans un fichier de l’ordinateur. Les exemples sont nombreux et déclinent des usages différents de l’objet digital dont la variété avait été au colloque qui s’est tenu en 2019 à Rennes 2 dédié à cette question ^[2].

À cette occasion, Éric Laurent ^[3] soulignait ainsi que les machines sont « un mode d’écriture – par exemple, les logiciels de traitement de texte, les logiciels de traitement d’image, les logiciels qui mélangent image et texte – car elles permettent de séparer et d’isoler toutes ces différentes composantes qui sont autant de dimensions du langage. La trace, l’écrit, la voix, l’image, le son, tout cela peut être diffracté et réuni dans des utilisations successives de la machine. Or, justement, le sujet autiste isole ces différentes dimensions. Il y est sensible dans leur matérialité : la matérialité des chiffres, pour Daniel Tammet ; la matérialité de la voix, comme pour le petit Birger Sellin, qui ne pouvait pas mettre sa bouche dans les mots mais il pouvait le faire par l’écrit. »