20 / LES MÉTAMORPHOSES DE LA PUBERTÉ / juillet 2016

Les métamorphoses de la puberté

Courtil en ligneS consacre ce numéro à l’adolescence, et plus précisément à ce qu’en dit la psychanalyse. Comme souvent quand il s’agit d’elle, vous verrez que c’est assez décoiffant, ce qui explique qu’elle enthousiasme, fatigue ou dérange.

Les auteurs commencent par noter que l’existence même de l’adolescence n’est pas certaine. Ce ne serait qu’une construction, soit un semblant qui masque un réel d’une toute autre nature que celle réduite à la puberté. Et les arguments ne manquent pas. C’est ainsi que le mot latin, adolescens commença par se traduire en jeune homme inexpérimenté, naïf, pour ne devenir une catégorie à part entière que dans le dernier tiers du XIXe siècle. Les classiques, Stendhal, Balzac, Flaubert se sont intéressés à la transition entre l’enfance et l’âge adulte, c’est l’époque des romans de formation, mais ils ne faisaient guère de leur jeune homme – Fabrice, Rastignac ou Frédéric Moreau – des ados. De même pour L’adolescent de Dostoïevski.

Que vaut cet honneur à la classe juvénile ? Les hommes expérimentés, les aînés faisant modèle, bref les pères, commencent à avoir du plomb dans l’aile, ce qui laisse nos adolescens seuls face à eux-mêmes. Pour le dire encore autrement, comme il n’y a plus de grandes personnes, tout le monde, et cela vaut pour les deux sexes, tendrait à devenir adolescent, voire à le rester – on parle même d’adolescent prolongé –, ce qui mérite bien une catégorie psychologique ! En outre l’ado a beau être partout, il est paradoxalement tout seul : il n’a plus que des semblables, mais se retrouve sans repère face au réel – sans repère, mais pas sans identité, ce qui lui fait une belle jambe ! Cela étant, nous ne sommes pas de ceux qui chantent les joies du déclin, et ne cultivons aucune nostalgie. La tradition ne valait quand même pas très cher, quelque chose, pour reprendre une image de Freud, comme une carte des lacs italiens pour partir à la découverte des régions polaires. Lacan du reste disait aussi que la tradition était toujours conne.

Autre surprise encore, nos auteurs relèvent encore que l’on ne devient pas adolescent naturellement, ce n’est pas une affaire d’hormones, même si ces chères petites ont leur importance, mais de rencontre. L’ado est ainsi celui qui a rencontré quelque chose, une jouissance plus ou moins opaque et venant du dehors. Lacan qualifie cette conjoncture d’immixtion, et en fait même un facteur d’achèvement de la personnalité ! Et elle sera plus ou moins traumatique selon la capacité du sujet à y répondre … En effet, la rencontre d’un réel n’est pas toujours traumatique – André Gide, autre ado célèbre, l’illustre à pages que veux-tu.

Vous trouverez encore beaucoup d’autres choses dans les pages qui suivent, notamment des échos raisonnés de la clinique des ados par ceux qui la font. Là aussi, vous pourrez vous laisser surprendre !