L’enfant créateur ?
Il me faut d’abord justifier mon titre, particulièrement son point d’interrogation. La fin du XXe siècle a été marquée par ce qu’on peut appeler le règne de l’enfant roi. Des formes de pédagogies nouvelles ont vu le jour dont le pivot peut se résumer par cette formule que l’on trouve dans le « manifeste pour l’enfant créateur », publié par l’association des amis de Célestin Freinet, célèbre pédagogue français : « Par nature, l'enfant porte en lui des pouvoirs créateurs, dans tous les domaines. » Cette proposition sympathique vaut d’être interrogée à partir de la psychanalyse.
Car la création n’est pas l’invention. Ces deux termes, bien que participant de la même zone sémantique, sont à distinguer pour saisir la valeur propre à l’invention qui fait le titre de cette journée. La création est un acte qui fait naître quelque chose de rien, une production ex-nihilo. Néanmoins, inventer ce n’est pas découvrir. On découvre ce qui est déjà là, alors qu’on invente ce qui n’est pas encore là. Ainsi l’invention est à situer entre découverte et création, entre ce qui se découvre car déjà là, et ce qui se crée à partir de rien. Jacques-Alain Miller, dans le texte qui me sert de référence pour cette intervention1, donne à l’invention la valeur du bricolage. Inventer se fait à partir de matériaux existants. C’est un point de départ fondamental pour tous ceux qui s’occupent d’enfants, mais aussi de sujets psychotiques ou encore d’institutions. « Il doit vous paraître naturel que nulle part plus qu’en ces trois thèmes [enfance, psychose, institution] soit évoquée plus constamment la liberté. »2 Voilà ce que relève Jacques Lacan dans son « allocution sur les psychoses de l’enfant ». En effet ces méthodes où le sujet est invité à s’affirmer dans un acte de créativité, ne sont pas des manifestations de sa liberté, mais plutôt la trace, la marque de la limite de ladite liberté. Autrement dit la liberté n’est pas du tout le fin mot de la psychanalyse. L’association dite libre est un exercice qui au contraire s’appuie sur ce qui la contraint – lapsus, mot d’esprit, rêve et surtout symptôme, soit ce qui ne cesse de s’écrire.
Par ailleurs, la psychanalyse d’orientation lacanienne ne fait pas de la psychanalyse avec l’enfant une pratique spécifique. Et il en est de même avec le sujet psychotique ou encore dans la pratique en institution.
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