27/ DANS L'ATELIER / décembre 2022

Râper la langue à l'atelier

            Depuis l’année dernière, je suis invitée à co-animer un « atelier Rap » avec un intervenant extérieur, rappeur (que nous appellerons « Z ») auprès de jeunes adultes. Du fait de l’alternance des nuits, une collègue et moi, alternons notre présence auprès de Z, chaque semaine. De fait, notre présence, elle aussi est rappée. Cet atelier marque la partition quotidienne, d'une petite entaille : celle de l'écriture, de la mélodie, du rythme. Je propose donc de livrer un petit témoignage autour de cette encoche, point de rencontre, de résonnance à plusieurs voix, d’écriture à plusieurs mains. Aussi je dirais que le mouvement et l'inertie qui s'y déploient, pour nous accompagnants, pour les jeunes, s'oriente à partir d'une tentative : désamorcer, ce qui, dans le boucan de la langue, vient détoner le sujet psychotique et amorcer une écriture, dans laquelle un corps puisse se loger. Venir remâcher cette matière première avec l'appui de la technique d'écriture propre au RAP pour accueillir ce qui déborde dans le sillon de l’écriture, rivage qui donnera forme et impulsion à un « Flow ».

 

Le Rap, un Art du baratin

            « RAP » est l'acronyme de « Rythmes And Poetry». Mais le verbe issu de l'argo anglais « to rap » signifie également « Baratiner, Blâmer, Bavarder ». A partir de ces modalités d'adresses, d'un goût pour le rythme et la percussion des mots, un style vocal singulier émerge dans les ghettos nord-américains, à la fin des années 70. Le rap fait partie de la mouvance Hip Hop, emblème de la culture urbaine et afro-américaine.Les voix du Rap s'élèvent dans des lieux a priori en marge de la culture et du lien social, pour dénoncer les inégalités, injustices sociales, mettre en scène une certaine violence, avec l'art de manier la joute verbale, parfois l'insulte, mais aussi rendre compte des bavardages quotidiens qui courent dans les rues, leurs ressorts percutants, poétiques. Bien que le Rap blâme, baratine, bavarde, la parade du sens est épurée, pour venir révéler de manière très pure la corporalité des mots et l'onde de choc qu'ils produisent sur le corps. Les mots sont parfois crus, cognent sur un rythme qui leur donne d'autant plus d'impact, non pas seulement dans le sens de ce qui se dit, mais dans l'impact réel des mots sur le corps. Aussi, le rythme de la musique est redoublé par le rythme de l'écriture et par la prosodie qui en découle. Rimes, assonances, allitérations, autant d'outils phonétiques pour surenchérir la syncope des mots.

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